Le Mock est une chaîne YouTube lancée en 2015 et qui propose de faire découvrir ou redécouvrir des œuvres littéraires françaises ou internationales.
Il m’arrive parfois de repenser à l’époque du lycée et à mes cours de français. Des révisions acharnées m’avaient permis d’apprendre à commenter un texte, à identifier une proposition juxtaposée ou à interpréter le rythme et les blancs laissés dans un poème. Mais cela n’a pas suffi à rendre le moment agréable ni à m’apporter des résultats brillants d’ailleurs. Pourtant, j’avais déjà une certaine curiosité pour la littérature. J’aime la culture, et surtout, j’aime lire. C’est pour cela que j’ai été contente de découvrir la chaîne du Mock.
En 2015, les dénommés Redek et Pierrot décident de s’associer en ouvrant une chaîne YouTube de vulgarisation autour de la littérature. Le premier est aujourd’hui professeur de lettres agrégé, le second s’est tourné vers le journalisme. Lorsqu’ils expliquent ce qui les a poussés à un tel projet, ils évoquent la volonté de montrer la littérature comme quelque chose de fondamentalement utile. Tous deux mettent en avant la capacité qu’elle procure à pouvoir se mettre à la place d’autrui, à entrer dans la tête d’un personnage ou d’un auteur qui ne pense pas comme nous et nous éduque à l’ouverture d’esprit. Une discipline qui leur tient donc à cœur, ce qui motivera aussi l’approche pédagogique de la chaîne, peut-être renforcée par le fait qu’un des deux vidéastes soit professeur à plein temps. Leur but premier sera donc d’intéresser les lycéens, une cible sur laquelle ils arrêteront vite de se focaliser dans l’écriture pour essayer de parler finalement à un public de « gens curieux » de 18 à 35 ans et développer un ton bien à eux, entre analyse et humour pince-sans-rire, une recette qui attirera enfin… des lycéens curieux.
Le ton de leur vidéo que j’évoquais précédemment a pris plusieurs années pour se construire, et par conséquent, plusieurs formats de vidéos différents. La chaîne compte peu de vidéos par rapport à sa date de création, mais regorge d’une variété de contenus impressionnante au fond toujours fouillé et réfléchi, prouvant l’engagement et la motivation des deux vidéastes surtout lorsqu’on se rappelle qu’il ne s’agit pas de leur activité principale. Si l’on remonte le temps, on peut donc commencer par les découvrir dans leur premier format intitulé de manière éponyme « Le Mock ». Dans une première vidéo, un classique de la littérature tel que Dom Juan ou Madame Bovary est résumé et interprété de façon humoristique en détournant des codes propres à YouTube des années 2000/2010 tels le draw my life, le podcast facecam ou encore la parodie. Aujourd’hui on constate un écart entre la « stratégie » humoristique du duo de l’époque et celle plus terre à terre qu’ils développent actuellement.
Le second format récurrent apparu sur la chaîne s’intitule « les chroniques de Redek » et propose un regard sur l’actualité sous le prisme de la littérature et de la philosophie. Les préoccupations actuelles deviennent une occasion de redécouvrir des références littéraires incontournables. Les vidéos font environ 5 minutes, le montage est composé d’images tournées face caméra, complétées par des illustrations d’archives, de textes, mais aussi de gifs. En cela, on reste dans un format bref, courant sur YouTube et qui laisse bien parfois un goût d’inachevé, de contenu resté en surface. Les chroniques de Redek se sont achevées en 2018, et à la même période, Le Mock réalise une série de vidéos intitulée les « Booktubes du Patrimoine », un partenariat avec Lectura+, le portail régional du patrimoine écrit et graphique de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Même si l’on ne parle plus d’actualité, mais de patrimoine, les deux séries de vidéos sont semblables sur de nombreux aspects, la durée de la vidéo, le choix des images montrées, le ton de l’écriture, même le générique reste inchangé.
En 2019, la chaîne se diversifie encore et accueille désormais un format débat, pour l’instant autour d’auteurs actuels et médiatisés comme Fabrice Luchini ou Marc Levy. Redek et Pierrot prennent part des deux côtés de l’écran, l’un faisant le plaidoyer de l’auteur en question, l’autre son réquisitoire. Le format ose ici être plus long, prend le temps de développer les idées qu’il expose. Le montage est dépouillé de toute illustration, à part celles d’images d’archives intervenant pour soutenir le propos d’un des deux vidéastes. Après un plan d’ensemble de courte discussion permettant de remettre en contexte ce qui va ensuite se jouer, l’opposition est rendue à l’image par un split screen, dont la taille s’adapte en fonction de la prise de parole et donne un rythme à l’échange, lui apporte plus de clarté. On remarque aussi que le générique habituel de la chaîne est remplacé dès le deuxième numéro des débats, montrant certainement une volonté d’en faire une série à part. D’ailleurs, un an auparavant, en 2018, sortait le livre « Classiques ! » rédigé par le duo et publié aux éditions Albin Michel, un mélange entre leurs premières intentions et cette formule de débats. Le livre se propose de nous faire redécouvrir 18 textes de littérature classique en faisant des comparaisons avec des éléments de culture pop, au travers d’une discussion mise en scène. En lisant ce livre, on constate inévitablement que le ton de la chaîne a changé, se focalisant davantage sur le contenu détaillé que sur l’aspect humoristique.
Enfin, le dernier format récurrent que propose la chaîne, et celui que je préfère à titre personnel : les poèmes mis en musique. Ce concept faisait à la base partie d’autres vidéos, comme celle sur l’Étranger de Camus par exemple, où l’analyse était entrecoupée de moments de lecture. Vient alors au Mock l’envie d’en faire des vidéos à part entière. Ainsi, la playlist « Charlie Baudelaire » permet de redécouvrir l’œuvre du poète, grâce à des comédiens et musiciens nous immergeant dans son univers. Parfois, la lecture est également accompagnée d’animations, voire d’un clip complet, par exemple pour la mise en musique du « Mort Joyeux », toujours de Baudelaire. Cette série de vidéos nous montre que la vulgarisation et le partage de connaissances sur internet peuvent revêtir différentes formes, et surtout met en valeur la dimension artistique toujours présente, mais parfois oubliée derrière ces contenus. Les vidéastes ne sont plus acteurs, mais prennent le rôle de directeurs artistiques en réunissant le savoir-faire d’autres artistes, en incitant à la curiosité plutôt qu’à l’analyse écrite et détaillée.
Afin de continuer à proposer un contenu varié, le Mock a lancé une cagnotte en ligne depuis fin 2019 afin de réaliser une série de 10 vidéos de mise en musique d’œuvres d’autrices et poétesses peu (ou pas assez) connues. La chaîne étant financée par le mécénat collectif des abonnés, les fonds récoltés serviraient à rémunérer les artistes, la problématique de la précarité des petits vidéastes étant récemment abordée dans leur vidéo « Où vont les vulgarisateurs ? ». En attendant, je ne peux que vous conseiller d’écouter la première réalisation de ce beau projet, « Requiem » d’Anna Akhmatova.