Poilorama, la drôle de websérie consacrée aux poils

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Réalisations Curiosités
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On en dénombre plus de 4 millions. Le poil, en retenant la sueur, contribue au refroidissement du corps, nous protège des microbes, des agressions extérieures, comme des frottements. Il est agréable au toucher et s’il capte nos odeurs corporelles, c’est pour mieux nous rendre désirables. Le poil est sensible et peut même traduire nos émotions. Et pourtant, le poil est mal aimé, là où il n’est pas dressé, il doit être rasé. La peau lisse est partout. Sexes épilés, torses imberbes, aisselles lisses… C’est le postulat de départ de Poilorama, une websérie documentaire sur l’histoire du poil en Occident, écrite par Emmanuelle Julien et Olivier Dubois, réalisée avec Adrien Pavillard et mise en ligne par Arte Créative en 2015.

En dix épisodes de cinq minutes, Poilorama passe en revue avec humour l’histoire de la représentation du poil dans les arts, la publicité, le cinéma, la presse féminine, pour tenter de comprendre pourquoi aujourd’hui la plupart des femmes ont recours à l’épilation, un acte estimé être un choix. Mais comme le souligne la journaliste Emmanuelle Julien : « Si les femmes font toutes le même choix, celui de s’épiler, s’agit-il encore d’un choix ? ». En donnant la parole à des philosophes, des historiens, des artistes, des psychanalystes, Poilorama retrace l’histoire de notre rapport à la pilosité et se demande pourquoi dans nos sociétés occidentales le poil doit-il absolument être éradiqué ? Pourquoi nous dégoûte-t-il tant ? La websérie fait le tour de la question en revenant sur l’histoire de l’éradication du poil dans notre société.

#1 Affreux, sales et puants #2 Bête de sexe #3 La grande touffe #4 Toison maudite 
#5 L’odyssée du lisse 
#6 Presse-moi ! #7 Usual respect #8 La fleur du mâle 
#9 Le poil contre-attaque #10 Poilopolis

Ces questions sont abordées de manière instructive et amusante. Le format court n’est pas un hasard. “On a voulu s’adresser à un public jeune qui ne regarde pas la télévision, qui est sur le Net et sur les réseaux sociaux, assure Emmanuelle Julien, c’est plus facile d’y parler de sexualité.

La série est construite autour d’interviews agrémentés d’images d’archives et de références à la culture pop donnant un caractère léger et drôle aux questions soulevées tout en mettant en avant l’absurdité de cette pratique épilatoire imposée.

Affreux, sales et puants

Le premier épisode de la série, intitulé “Affreux, sales et puants”, commence par un générique rythmé avec des séquences d’images d’archive intercalées de gros titres sur une musique dynamique entrecoupée de râles explicites.

Épilation du maillot les jambes en l’air chez l’esthéticienne, mousse à raser et rasoir sur un visage, bande de cire sur un torse, gros plan sur une pince à épiler en action, rasoir sur une jambe lisse, bande de cire, rasoir, les images d’épilation défilent et s’accélèrent sous une mélodie de rasoir électrique. Gros titre, “Peau lisse partout !”, précède un enchaînement de photos de corps lisses, musclés et sexualisés empruntées à la publicité, aux magazines et au cinéma.

Cette introduction présente le postulat de départ de la série, des poils sur des corps, des poils utiles mais qui dérangent et dégoûtent et donc une épilation massive des corps. L’entrée en matière est franche et critique et met en avant l’absurdité de notre épilation, tout en reliant directement la question du poil à celle de la sexualité.

La websérie donne ensuite la parole à Sara Piazza, docteure en psychanalyse, Christian Bromberger, anthropologue, Aline P, artiste plasticienne et Bernard Andrieu, philosophe du corps. Leur prise de parole est régulièrement entrecoupée d’une vidéo accélérée d’un ballet de gros tracteurs tondeuses en action sur une vaste étendue d’herbe avec une musique menaçante digne d’un film à suspens. Cette métaphore du rasoir et du poil est marquante et revient comme un refrain dans ce premier épisode.

Il est question du dégoût et de la saleté du poil et notamment des sécrétions qui peuvent s’y attachées. Christian Bromberger rappelle l’image du poil dans la soupe qui est considérée comme une horreur universelle. Cette anecdote est suivie d’une courte séquence d’une énorme touffe de poils extraite d’une soupière au restaurant devant un client horrifié. Cet enchaînement d’une interview face caméra et d’une image d’archive qui exagère le propos précédent est typique de la construction de la série. Cela amplifie le propos avec humour et marque d’autant plus les remarques des intervenants. Un autre exemple est la succession d’une pub de Mr Propre suite au commentaire de Christian Bromberger à propos de l’image répandue qu’un corps lisse sans poil est plus propre et plus hygiénique qu’un corps poilu.

L’épilation est donc devenue une norme sociale et esthétique complètement intégrée dans les sociétés occidentales. Dans le dernier épisode, Poilorama se questionne sur l’avenir du poil. Les réponses varient entre une poursuite de l’épilation totale avec de nouvelles zones à épiler ou bien une pilosité plus acceptée. Avec quelques années de recul, cette deuxième option semble se vérifier, notamment sur les réseaux sociaux où les poils ont désormais leur place.