Marie Wild, créatrice de contenus de vulgarisation scientifique sur YouTube, se définit elle-même comme une vidéaste de l’environnement. Souhaitant mêler ses études à sa passion pour l’audiovisuel, elle a créé son propre métier : alternant entre les entretiens filmés, la création de contenu, le cadrage vidéo, la prise de son, le montage et l’identité graphique sur les réseaux, Marie met à profit ses compétences pour faire ce qui lui correspond vraiment.
Depuis 2005, l’émergence des plateformes de services de partage, de visionnage et de mise en ligne de vidéos sur internet marque un tournant pour la réception des informations par le grand public. Notre rapport à l’information et aux médias a profondément changé depuis la démocratisation du web, et notre génération en est la témoin : en effet, chez les 18-24 ans, internet est utilisé à 75 % pour accéder à l’information, contre la télévision, qui tombe à 18 %.¹
La multiplication des contenus de vulgarisation scientifique sur YouTube permet l’apparition de chaînes d’informations diverses, originales et spécifiques. On voit une tendance se dessiner au niveau des thèmes abordés, car même si la majorité des créateurs réalisent des vidéos plutôt transdisciplinaires, près de 19 % des vidéastes français de vulgarisation scientifique abordent principalement la biologie et la santé sur leur chaîne.²
Marie fait partie de ces créateurs de contenu scientifique. Marie Wild, de son pseudonyme, se définit elle-même comme vidéaste de l’environnement. Elle a été diplômée d’un Master 2 Biodiversité et Environnement à l’université de Rouen, en 2015. Souhaitant mêler ses études à sa passion pour l’audiovisuel, elle a créé, comme beaucoup de sa génération, son propre métier : alternant entre les entretiens filmés, la création de contenu, le cadrage vidéo, la prise de son, le montage et l’identité graphique sur les réseaux, Marie mélange les métiers pour faire ce qui lui correspond.
« Je réalise des reportages animaliers et environnementaux sur le terrain en m’incrustant auprès des scientifiques. » écrit-elle en description de sa chaîne. Cependant, ses reportages n’ont rien à voir avec les documentaires télévisés : ses vidéos sont courtes, dynamiques et amusantes. Marie se met en scène pour emmener son audience avec elle « directement sur le terrain ». Son objectif est de faire découvrir au grand public les enjeux liés à la biodiversité, et d’apprendre au plus grand nombre comment agir à l’échelle individuelle et locale pour préserver la nature. Elle veut aussi mettre en lumière les acteurs, notamment les associations et scientifiques, qui agissent pour la protection du vivant. « Mieux on connaît, mieux on agit, et plus on protège ! » conclut-elle sur ses réseaux sociaux.
Parmi les nombreuses séries de reportages sur sa chaîne, certaines s’efforcent de déconstruire des idées reçues, notamment sur les actions réalisées au quotidien. Une de ses vidéos aborde notamment la question du piégeage des frelons asiatiques : la vidéo commence par Marie, avec sa caméra embarquée, qui filme son visage face caméra en marchant dans la campagne. Elle introduit son sujet et le plan change : on voit alors l’invitée, Julie Renoux, qui parle de sa problématique, seule face à la caméra.
Julie Renoux est vétérinaire et fait partie du Groupe Sanitaire de l’Eure. Elle est spécialisée dans la gestion des espèces classées comme invasives, comme le frelon asiatique. Elle travaille en premier lieu avec des apiculteurs sur le sujet, pour éviter la décimation des ruchers. Julie nous détaille d’abord les manières de reconnaître le frelon asiatique parmi les autres insectes, avant de faire un discours préventif sur la dangerosité potentielle de détruire un nid de frelons seul chez soi. Elle conseille de demander l’intervention de spécialistes, qui pourront détruire le nid sans courir de risques, ni pour eux-mêmes ni pour la biodiversité. On en vient alors à la problématique, qui demande si le piégeage des frelons est vraiment nécessaire, et s’il n’entache pas la biodiversité.
Les éléments de réponse ne tardent pas à arriver : de nombreuses espèces d’animaux et de végétaux exotiques s’installent sur le territoire européen depuis de nombreuses années, par divers procédés. Le but de la destruction des nids par des professionnels n’est pas d’exterminer la population de frelons asiatiques, mais bien de stabiliser la population le temps qu’elle prenne sa place dans l’écosystème, et de protéger l’entomofaune locale en attendant. Elle explique comment la multiplication de vidéos montrant comment fabriquer des pièges contre les frelons incite le grand public à réaliser du piégeage non spécifique, qui a un impact destructeur sur la biodiversité locale. En effet, selon une étude, pour un frelon piégé, c’est 120 autres insectes qui meurent dans ces pièges “faits-maison”, et parfois même des espèces protégées. L’humain peut donc avoir plus d’impact sur les abeilles que le frelon lui-même.
Le reportage de Marie Wild laisse toute la place au discours de la spécialiste, et Marie s’y efface complètement. Elle intervient cependant en postproduction, en entrecoupant les explications de l’experte par des gros plans sur les ruches des abeilles attaquées, sur la campagne, sur les nids primaires et secondaires des frelons, pour mettre en lumière le propos. De plus, elle intègre les animations de Laëtitia Costagliola, graphiste, qui illustre parfaitement les explications de la vétérinaire. Marie Wild revient en face caméra à la fin de la vidéo pour résumer l’interview et la littérature scientifique sur le sujet, en restant le plus neutre possible, mais toujours dans la bonne humeur.
Les vidéos de la chaîne de Marie Wild n’ont pas toujours la même cohérence graphique. En effet, elle travaille souvent avec des artistes différents, comme Kader Alihadef, animateur 2D/3D, Hugo Guillemard, motion designer, ou encore comme on l’a vu, Laëtitia Costagliola. Cependant, ses vidéos font lien par les questions qu’elle y pose, les sujets qu’elle y aborde et surtout, par sa présence face caméra, son humour et sa bonne humeur. Les vidéos de Marie ont beaucoup évolué depuis 2015, et s’adaptent peu à peu aux algorithmes de YouTube, notamment par le format vertical de plus en plus présent, pour permettre l’accès de la vulgarisation à des nouveaux réseaux sociaux et donc de nouveaux publics.
L’écologie est un enjeu majeur de notre époque, et Marie Wild l’illustre bien, en permettant au plus grand nombre d’apprendre les gestes à adopter pour sauver ce qui reste. Si elle ne fait que peu de politique par rapport à d’autres chaînes, elle vulgarise la biologie à la manière des naturalistes : de manière précise, passionnée, et dans la bonne humeur.
1. Baromètre Kantar Public Onepoint et Kantar Sofres pour La Croix – janvier 2021 et janvier 2020
2. Antoine Blanchard, Stéphane Debove, Pleen Le Jeune, David Louapre, Tania Louis, Que sait-on des vidéastes de science sur YouTube ? Café des sciences, 21 décembre 2018.